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Ce que les satellites nous dévoilent sur l’irrigation

Une vue satellitaire de 2014 des champs irrigués dans une région désertique de l'Oregon, dans le nord-ouest des Etats-Unis.

L’Agence spatiale européenne commence à diffuser les résultats de l’exploitation de ses satellites d’observation de la Terre et permet de prendre conscience de l’ampleur de l’irrigation dans le monde.

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L’irrigation, on connaît dans son champ. Mais, jusqu’à maintenant, on n’avait pas vraiment de vision de ce que représentait l’irrigation des cultures à l’échelle de la planète. Combien d’eau sert à l’irrigation ? Où sont les principaux irrigants ? Est-ce que cette eau, par définition déversée dans des endroits secs, a un effet sur le climat local et mondial ?

Dorénavant, l’Agence spatiale européenne (ESA) commence à divulguer ses réponses à ces questions. Elle a entamé un programme de recherche sur le sujet, Irrigation +, en exploitant les données recueillies par la famille de satellites Sentinel, consacrée depuis le milieu des années 2010 à l’observation de la Terre. Une chercheuse de l’université de New York, Sonali McDermid, est associée à l’ESA pour coordonner ce programme.

3,6 millions de km² sont irrigués

La totalité des surfaces irriguées dans le monde représente plus de sept fois la taille de l’Espagne. En 2018, 3,64 millions de km² étaient irrigués, selon les données de la FAO, l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture. C’est surtout à partir des années 1950 que l’élargissement des surfaces irriguées a commencé. À cette date, ces surfaces dépassaient légèrement un million de km², puis la courbe connaît une très nette inflexion au profit d’un rythme deux fois plus élevé.

La France n’est clairement pas un point important de cet usage. Les études de l’ESA délimitent plutôt les points cruciaux dans les hautes plaines américaines, les vallées centrales de la Californie, le bassin du Gange et le nord de la Chine. Les satellites permettent de repérer assez précisément les lieux de l’irrigation même en cas de déficience des statistiques locales.

Les zones irriguées dans la vallée du Gange montrent une utilisation intense de l'irrigation. ( ©  ESA)

L’équivalent de toutes les rivières du monde

À l’échelle mondiale, plus de 70 % de l’eau douce prélevée à la surface de la Terre ou du sous-sol est utilisée pour irriguer les cultures agricoles, soit un total estimé de l’ordre de 2 500 km³ à 2 700 km³ chaque année. Pour se rendre compte, toute cette eau irriguée est l’équivalent de toutes les rivières du monde réunies.

Une baisse de 3°C

Le premier effet de l’irrigation, c’est bien évidemment de permettre des cultures dans les endroits trop secs, et donc de fournir de l’alimentation à la population. C’est bien la précaution que prennent les chercheurs. Leur objectif n’est pas de condamner l’irrigation mais de fournir suffisamment de données pour améliorer les pratiques.

Pendant la saison de pousse, l’irrigation diminue de 1 à 3°C la température au sol.

L’irrigation a un effet sur le climat local. Pendant la saison de pousse, l’irrigation diminue de 1 à 3°C la température au sol. Ce n’est pas vraiment une surprise puisque tout le monde fait l’expérience de se rafraîchir en été en se mouillant la nuque. Mais Wouter Dorigo, un chercheur autrichien, souligne de son côté l’effet de stress dû à l’air chaud et humide. Dans les régions très massivement irriguées comme le Gange ou le sud du Vietnam, cet effet peut être important sur les populations.

De plus, toujours selon le même chercheur, l’augmentation de l’humidité de l’air pourrait modifier les conditions météorologiques locales et le régime des précipitations autour de ces zones mais ce phénomène, assez fin à observer, demande encore des études pour être confirmé.

Des effets sur le changement climatique

Diminuer la température au sol par l’irrigation n’est pas une porte de sortie du réchauffement climatique. De ce point de vue, les observations de l’ESA sont ambivalentes. D’un côté, l’irrigation augmente le rendement des cultures et accroît l’absorption du carbone. Mais de l’autre côté, l’irrigation, en particulier en Asie, permet d’étendre la culture du riz. Or, les rizières émettent de grandes quantités de méthane du fait des bactéries anaérobies liées à l’immersion des champs. Ce méthane a un effet sur l’effet de serre bien plus important que le gaz carbonique. Actuellement, les rizières participent à hauteur de 7 % du total des émissions mondiales de méthane d’origine humaine, estiment les chercheurs du Giec (Groupement d’étude sur le changement climatique).

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